Intérêt de l’émail
L’émail permet surtout de produire des produits à très faible coût de revient comparé à la poterie noire. En effet, il supprime l’essentiel du travail manuel (polissage) et peut même s’automatiser de A à Z à grande échelle. Ensuite il est possible d’obtenir pratiquement toutes les couleurs et des effets de texture remarquables. Compte-tenu de la législation sur la composition des émaux, les poteries culinaires sont forcément moins riches que les poteries décoratives. Néanmoins il y a un vaste choix qui se diversifie de plus en plus. Bien s’assurer à l’achat que l’objet est destiné au contact alimentaire. Ce qui est hélas plus difficile à obtenir d’un artisan que d’une marque connue, surtout sur un marché. La triche est rare mais elle existe encore, méfiance avec les coloris un peu trop vifs, surtout en été !
Grandeur et décadence de l’émail
L’émail est une solution simple pour étanchéifier un support, aux défauts près. Est-ce un avantage ? Oui et non, tout dépend de la finalité de l’objet. Pour stocker des aliments, la réponse est clairement oui, mais alors il ne faut faire que ça. Pour cuisiner, c’est plus subtil.
Les émaux ont des propriétés physiques très différentes des céramiques qui leur servent de support. Mais ce qui nous concerne c’est surtout leur coefficient de dilatation. Donc lors des cycles de chauffage – refroidissement il s’en suit un phénomène de « fatigue » de l’interface terre-émail. On dit qu’il se faïence, c’est à dire qu’il craque comme une mosaïque ou une peinture sur un mur. A partir de là, exit l’étanchéité parfaite. C’est le début d’une lente dégradation du support sous l’effet d’infiltrations localisées, le plus souvent invisibles, des liquides alimentaires. L’histoire se termine inévitablement par une fracture, même en l’absence d’erreur d’utilisation. Cela dit la durée de vie peut être parfaitement acceptable, en particulier en termes de rapport service rendu – prix.
Un autre inconvénient, toujours pour la même raison, est une fâcheuse tendance à s’ébrécher. Par contre, la cuisson à haute température lui procure en principe une bonne résistance aux chocs accidentels.
La terre cuite, c’est poreux !
A l’opposé, avec beaucoup de terres cuites non émaillées on cherche parfois à préserver une porosité plus ou moins importante. Cela permet de les charger en eau et de la redistribuer sous forme de vapeur qui contribue à la cuisson. Autrement dit ce sont les premiers fours à vapeur, on n’a rien inventé ! Certaines cocottes à four fonctionnent sur ce principe et donnent d’excellents résultats. Toutefois leur utilisation est assez spécialisée. En clair on ne peut pas passer de la dinde à la morue sans avoir quelques désagréments gustatifs.
Ce qu’il faut en retenir c’est que loin d’être systématiquement combattue, la porosité peut au contraire être recherchée. Elle peut même devenir un atout indéniable à condition de l’utiliser à bon escient. Faire une fixation sur l’étanchéité est une tendance très « moderne » à mettre en rapport avec nos innombrables peurs, la plupart infondées, donc facile à exploiter. Comme ailleurs, il s’agit de nous faire préférer des produits faciles à produire en grandes quantités au détriment de l’artisanat.
La terre cuite noire : une solution sans émail aux avantages multiples
Une micro-porosité bien gérée
Si vous avez déjà lu notre page consacrée à la poterie noire de Molelos vous devez comprendre que c’est une sorte d’hybride. On cherche un certain compromis entre souplesse et solidité ainsi qu’un compromis entre la poterie éponge et la poterie parfaitement étanche. Suivant les modèles, la porosité initiale est plus ou moins mesurable. Mais elle tend à s’annuler assez rapidement ou tout au moins à devenir non mesurable. Le test de base que nous utilisons consiste à laisser la poterie remplie d’eau 12 heures, à la peser avant et après.
Les différences de cuisson que l’on observe entre un plat en poterie noire et un plat en poterie émaillée, ou pire encore un plat en verre, viennent essentiellement de la préservation d’une micro-porosité homogène en surface. C’est cette micro-porosité de la surface finement polie des poteries Oyera qui permet d’éviter cet effet asséchant constaté avec d’autres plats. Un effet qui se traduit par une tendance à attacher finalement assez voisine de celle du métal. Cette interface humide joue le même rôle que le film d’huile dans une poêle. C’est une protection supplémentaire des aliments contre les chocs thermiques, ce qui contribue à protéger leurs propriétés nutritives, d’où des saveurs plus riches.
Autres particularités uniques
Après quelques mois d’utilisation les poêles ou les plats à tarte deviennent déperlants et par conséquent très faiblement adhérents. Cet effet vient de l’enrichissement de la surface micro-poreuse en molécules hydrophobes issues des matières grasses. Or cet effet est absolument impossible à obtenir avec une interface lisse comme un verre.
Grâce à leur « filtre à charbon » intégré, même les poteries noires rustiques sont bien connues pour leur aptitude à ne pas transmettre de goût d’une préparation à l’autre. Voilà encore une fonction impossible à obtenir avec une poterie émaillée. C’est cet ensemble de propriétés propres à la poterie noire qui leur permet de se bonifier avec le temps.
Voilà pourquoi nous insistons bien sur le fait que nos poteries se destinent à la cuisson et non pas au stockage des aliments. C’est là où l’émail peut devenir intéressant, à condition de ne pas le solliciter en cuisson. De ce point de vue, la vitrification au sel des poteries Max Labbé est une solution technique plus fiable chaque fois que l’étanchéité est primordiale (germoirs et pots à lactofermentation). Si comme la poterie noire, elle ne brille pas par la diversité de ses coloris, elle soulève moins de questions que l’émaillage.